Un concert de Monsieur Peter Gabriel, cela ne se manque pas, en plus quand celui-ci est donné pour célébrer les vingt cinq ans de "So" : les musiciens sont les mêmes qu'à l'époque et le public est visiblement ravi de retrouver le régional de l'étape, Manu Katché !

C'est le roi de la soirée lui même qui vient présenter (en français) ses deux choristes qui vont assurer la courte première partie. Cela est pour moi significatif de la simplicité et l'humilité du personnage. Pour lui, Jennie Abrahamson et Linnea Olsson font partie intégrante de son show, et la prestation des scandinaves constitue un excellent apéritif. Le menu, annoncé par le chef en personne s'annonce alléchant : en entrée, une partie acoustique, en plat savoureux une partie électrique et en dessert, l'intégralité de l'album "So".

La partie acoustique débute par un morceau joué au duduk par Levon Minassian. Les lumières s'allument et Peter s'installe au piano pour jouer "OBUT", un inédit, avec l'aide de Tony Levin. Après l'arrivée de tous les autres musiciens (David Rhodes, David Sancious et notre Manu national), le public aux anges redécouvre dans des versions épurées les classiques que sont "Come Talk to Me" et "Shock the Monkey". En plein milieu de "Family Snapshot", l'obscurité se fait pour laisser place au set électrique. "Digging in the Dirt" puis "Secret World" font aussi leur petit effet (notamment les fameux pas de danse entre Peter, Tony et David Rhodes). Les premiers disques du Gab sont également à l'honneur avec "No Self Control" et "Solsbury Hill", deux chansons aux paroles sombres. Pendant la première, les immenses bras articulés équipés de projecteurs semblent attaquer l'archange, tandis que pendant la seconde, les multiples caméras projettent des images virevoltantes sur les écrans géants derrière la scène. La partie électrique se termine très calmement avec "Why Don't You Show Yourself", morceau inédit tiré de la bande originale du film "Words With Gods".

Place ensuite au catalogue de tubes qu'est "So" : un départ marqué au fer rouge de "Red Rain" dans un Bercy couleur sang. Puis le public entonne l'intro de "Sledgehammer" a capella, pour le plus grand plaisir de Peter, qui rythme tout cela avec le sourire. Jennie Abrahamson tente de relever le pari difficile de prendre la place de Kate Bush ou Paula Cole sur "Don't Give Up" et s'en sort honorablement, malgré quelques erreurs de justesse. L'émotion atteint son sommet lors de l'interprétation de "Mercy Street" par un Peter Gabriel allongé au sol et filmé de haut par une caméra.

Cette tournée est aussi l'occasion de voir en live "That Voice Again" et "We Do What We're Told", qui n'étaient pas jouées en 1987, contrairement à "This is the Picture" (ou c'est cette fois Linnea Olsson qui est à l'honneur). Enfin, "In Your Eyes" est placée en dernier pour conclure sur une note enjouée et festive. Daby Touré, le chanteur mauritanien, est visiblement ravi de faire parti de la fête en lieu et place de Youssou N'Dour, reparti au Sénégal après son concert dans la même salle trois jours plus tôt.

Le rappel sera grandiose avec un "The Tower that Ate the People" ou notre britannique favori se fera littéralement engloutir par une tour de tissu éphémère. "Biko", avec son message humaniste toujours d'actualité, clôt la soirée de façon magistrale, avec le départ de chacun des musiciens un par un sous les chants du public.

Pour celles et ceux qui voudraient voir ou revoir ce fabuleux spectacle, le Gab sera de retour l'an prochain, en avril ou mai. Gageons qu'encore une fois, le public répondra présent. Alors, précipitez vous pour voir ces magnifiques musiciens et leur chef d'orchestre, un personnage humble et généreux, comme il en existe malheureusement de moins en moins.

Pascal Borodine