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Sommaire du n° 92

Paru le 28/04/2015

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INTERVIEWS : KOID9 LES A CUISINES POUR VOUS !

Frost - A propos de Milliontown - Juillet 2006 (paru dans le Koid9 n°59)

Un souffle de fraîcheur sur le rock progressif anglais

Entretien avec Jem Godfrey de FROST*

Propos recueillis par Marc Moingeon - juillet 2006


Cet été, alors que la canicule de juillet allait bientôt céder la place au mois d'août le plus frisquet et le plus pourri que j'ai vu de ma vie, est sorti le premier album de ce groupe au mystérieux nom de Frost*. Y aurait il un rapport ? (Frost = Froid !). Pas musicalement en tout cas ! Frost* est une sorte de supergroupe comprenant l'omniprésent John Mitchell, la section rythmique de IQ, autrement dit John Jowitt et le nouveau batteur Andy Edwards, et un total inconnu du nom de Jem Godfrey aux claviers et au chant… Ce qui est surtout surprenant, c'est que Frost* est le bébé à 100% de cet inconnu, dont les activités de producteur et d'arrangeur se limitaient depuis des années au milieu de la pop et de la disco anglaise, genre Atomic Kitten, Britney Spears, etc.

Pour aussi incongru que cela puisse paraître, Jem Godfrey a pourtant été bercé aux doux sons de Genesis durant une bonne partie de sa jeunesse et a décidé de se remettre au progressif récemment, mais cette fois en tant que compositeur, claviériste et chanteur ! Le résultat, c'est "Milliontown", une des plus belles surprises de cette année 2006. Empreintant à la fois à ses maîtres du passé aussi bien qu'à Porcupine Tree, IQ et Kino, sans parler de sa culture pop plus actuelle, Jem Godfrey, magnifiquement secondé par ses trois acolytes, a accouché d'un album à la fois traditionnel et novateur, furieusement dynamique, mélodique, à la fois rock et symphonique, un album varié et instrumentalement très brillant … Un coup de maître.

Il était donc plus qu'indispensable de faire connaissance avec cet OVNI anglais… L'interview téléphonique ayant été annulée, nous nous sommes rabattus sur l'Internet. Rencontre avec un musicien pas comme les autres.

Il était donc plus qu'indispensable de faire connaissance avec cet OVNI anglais… L'interview téléphonique ayant été annulée, nous nous sommes rabattus sur l'Internet. Rencontre avec un musicien pas comme les autres.

On peut dire que Frost* et "Milliontown" sont un peu sorti de nulle part. Même si le groupe compte 3 membres connus, c'est vous qui en êtes le fondateur compositeur exclusif. Pouvez-vous nous rappeler un peu votre parcours musical ?
Jem Godfrey : Mon éducation musicale au sens traditionnel du terme a été très limitée. On peut dire plus ou moins que mon professeur de piano a été Tony Banks ! J'ai suivi environ 6 mois de cours de piano quand j'avais 9 ans et puis j'ai abandonné. Après cela, j'ai passé toutes mes vacances scolaires à apprendre à jouer des morceaux de Genesis – "in the cage", "los endos", firth of fifth", "supper's ready", "cinema show", etc. Au moment où j'ai eu 14 ans, je me suis aperçu que j'avais développé une technique suffisante pour donner vie à mes propres idées. J'ai alors rejoint un groupe de blues local, et nous faisions des concerts le soir pour nous faire de l'argent de poche. A 17 ans, je faisais la première partie de IQ au Marquee avec le groupe de prog de mon frère, Freefall. Après quelques années, le groupé s'est séparé et je me suis mis à travailler à Virgin Radio, une radio anglaise nationale. De là, je suis parti à la BBC Radio 1, la plus grosse station de radio pop en Angleterre. Une rencontre fortuite dans un pub m'a conduit à rentrer en contact avec un gars qui démarrait une nouvelle compagnie dont l'objectif était d'écrire des chansons pop. La première réalisation que nous ayons faite, c'était le single de Atomic Kitten, "whole again", qui s'est classé n°1 pendant 2 mois en Angleterre et s'est vendu à près de 2 millions d'exemplaires dans le monde. Après ça, nous avons produit et mixé "kiss kiss" par Holly Vallance qui a été également n°1 en Angleterre. Et ensuite "the tide is high" pour Atomic Kitten, encore un n°1 pendant trois semaines l'année d'après. Après cela, j'ai fait la chanson du gagnant du X-Factor qui est restée n°1 un mois. En mai, j'ai reçu un trophée Ivor Novello en tant que compositeur pour le single le plus vendu, pour le même morceau.
Et puis ensuite, je suis revenu au progressif… que j'avais vraiment oublié pendant des années. J'ai eu envie de composer dans ce genre-là. J'ai acheté tout un paquet d'albums et j'ai essayé d'entrer en contact avec les musiciens qui jouaient sur ceux que j'avais préférés. J'ai eu de la chance car John Mitchell, John Jowitt et Andy Edwards (le nouveau batteur d'IQ) ont tout de suite répondu oui.


Certaines personnes disent que le rock progressif ne fait aujourd'hui que reproduire le passé, imiter des groupes tels que Yes et Genesis. On en est arrivé au point que certains musiciens, notamment en Angleterre, semble-t-il, ne veulent surtout plus être associés à cette étiquette, notamment Steven Wilson de Porcupine Tree, qui est d'ailleurs parfois assez critique avec des groupes du genre… Que pensez-vous de ce phénomène ?
Je suis d'accord jusqu'à un certain point. Une chose assez surprenante pour moi qui suis resté à l'écart de la scène progressive pendant près de 15 ans a été que peu de choses avaient changé entretemps. Il y avait toujours ces bons vieux son mellotron (y compris chez Porcupine Tree !), les mêmes solos de Moog tourbillonnants. En fait, je blâme surtout un certain nombre de claviéristes dans le prog. On dirait qu'ils ont tous de petites têtes et peu d'imagination. D'un autre côté, il y a de fantastiques ambassadeurs pour le rock progressif, à commencer par Porcupine Tree, Man on Fire, Darwin's Radio, Kino, et aussi Spock's Beard bien sûr. Je trouve qu'il y a des signes très nets de progression. Je suis très optimiste, en fait.


Vous avez demandé à deux membres de IQ et à l'un des membres d'Arena et Kino de vous rejoindre pour former Frost*, et pourtant ces deux groupes reçoivent plus que leur compte du genre de critiques auquel vous venez de faire allusion… Que pensez-vous d'eux ?
Je pense qu' Arena a produit de bons morceaux, mélodiques. Je ne suis pas totalement familier avec leur œuvre. Mais j'aime beaucoup "Contagion", notamment un morceau comme "skin game". J'aime IQ pour tout leur côté un peu "gothique", en voilà qui aiment les accords mineurs ! (rires) Et le solo de clavier de Widge (surnom de Martin Orford -NDR) sur "headlong" ("The wake") est toujours dans mon top 5 des meilleurs solos de tous les temps !


Avez-vous été en contact avec d'autres musiciens pour former Frost* ?
Il a été question à un moment que Nick D'Virgilio joue la batterie, en fait.


On dit que vous vous êtes replongé récemment dans le prog en achetant une quarantaine d'albums…
A part Arena, IQ et Kino, quels étaient les autres groupes et quels sont ceux que vous avez le plus aimés ? Le moins aimés ?
J'ai donc acheté des albums de Darwin's Radio, Man On Fire, Pendragon, The Urbane, Spock's Beard, The Flower Kings, Magenta, Jadis, Steve Thorne, Magrathea, Ray Wilson, Marillion, tous les suspects habituels en fait. Je connaissais la plupart de ces artistes. Mais cela ne serait pas poli de dire lesquels j'ai aimés et lesquels je n'ai pas aimés (rires).


A quel point vos morceaux étaient–ils finalisés au moment où vous avez recrutés les autres musiciens pour enregistrer "Milliontown" ?
J'en ai écrit une grosse partie au piano. Ensuite, j'ai fait des démos, que j'ai présentées à des degrés divers de finalisation aux gars. Ensuite, ils ont ajoutés leurs parties et j'ai fait les parties vocales et j'ai mixé le tout.


Quelle est votre méthode pour composer et pour enregistrer ?
Je travaille principalement avec un dictaphone. Je n'arrête pas de chanter des petits trucs que j'enregistre. Ensuite, j'essaie de faire le tri et de rassembler les morceaux qui vont ensemble en un tout cohérent. Quand je n'ai pas assez de pièces, j'en écris de nouveau pour remplir les trous. J'essaie de toujours enregistrer dans mon propre studio qui s'appelle "The Cube".


Certains de vos morceaux contiennent beaucoup de guitares par moments, et pas beaucoup de claviers (comme le riff de "no one like you" qui sonne assez metal). Je me demandais comment vous composiez ces parties là ?
Ah, ça, initialement, c'était joué au piano à travers un effet de distorsion. C'est fou comme un piano et une guitare peuvent sonner de façon similaire si vous traitez le son de façon adéquate ! (rires)


On pourrait dire que Frost* contient pas mal de points communs avec Genesis et IQ (pour les solos de claviers dignes de Tony Banks parfois !), Porcupine Tree et Kino, pour le côté plus expérimental, les guitares parfois un rien grungy, les voix et les claviers dont les sons sont traités bizarrement… et puis la pop pour certains airs, les boucles rythmiques, etc. Vous seriez d'accord ?
Complètement d'accord avec vous. Je pense en particulier que le son est fait pour déconner avec ! Tout ça vient de mon admiration pour Peter Gabriel et son approche intrépide du design sonore. Il m'a vraiment ouvert les yeux quant aux possibilités soniques de choses aussi simples qu'une fenêtre cassée ou un pavé qu'on frotte… Et en ce qui concerne les boucles de percussion, je pense que si ça colle avec ce qu'on compose, alors pourquoi ne pas les utiliser ?


Vous dites avoir aussi écouté Spock's Beard, mais est-ce que cela vous a inspiré, ce n'est pas évident…
Je n'étais pas très amateur du groupe jusqu'à ce que j'écoute "V". Je trouve que c'est une œuvre remarquable. Cela pourrait m'influencer pour le prochain album. Mais peut-être pas d'une façon évidente…


Quelle a été votre inspiration pour certains éléments aux consonances plus ou moins orientales (flûte, chœurs, parties parlées échantillonnées) ?
La flûte arabe est un son qui vient de mon synthé Roland V, un petit objet étonnant. Je suis un grand amoureux de la musique moyen-orientale. Egalement des chœurs bulgares, le Chœur National de l'Etat Bulgare. Leur musique traditionnelle est parmi les musiques les plus belles et les plus puissantes qui soient.


Vous avez partagé en partie les vocaux avec John Mitchell mais, apparemment, votre voix est assez proche de la sienne. Alors, qui chante quoi ?
John chante en partie sur "black light machine", il a aussi fait beaucoup de choeurs. Nous avions prévu de l'utiliser sur davantage de morceaux mais on n'a pas pu faire converger nos emplois du temps suffisamment pour ça et nous avons été pris de court. Il chantera beaucoup plus sur le prochain album.


OK, la question n'est pas originale (vos réponses le seront peut-être plus !) mais quels artistes vous ont le plus influencé, à votre avis ?
Peter Gabriel, en particulier. "Peter Gabriel 3" et "PG 4" ont été très importants dans ma vie. Genesis, de toute évidence et puis ensuite je m'écarte vraiment de la norme : j'adore The Cardiacs, de même que Jane Child, Human Radio, Jellyfish, David Gamson, Britney (Spears… ? on ne voit pas où elle a pu l'inspirer, lui ! - NDR).


La musique sur "Milliontown" est assez contrastée, c'est le moins que l'on puisse dire. Comment savez-vous quelle partie va coller avec une autre ? Comment décidez-vous qu'un titre calme et court comme "snowman" doit rester calme et court, tandis que d'autres pièces seront accolées avec des sections plus dynamiques pour évoluer vers une longue suite ?

J'aime l'ombre et la lumière. Je voulais que chaque morceau soit différent des autres. Certains ont critiqué l'album en disant qu'il manquait de cohérence, mais ils n'ont pas compris. L'album est supposé être un petit voyage à travers différentes humeurs. Si je l'avais rempli avec 60 minutes de mellotron et d'histoire de pourfendeurs de dragons, avec un solo de guitare ou de clavier toutes les 20 secondes, je pense que je serai mort d'ennui. Je me suis fixé une règle : pour chaque partie bruyante, il devait y avoir une partie paisible, et pour chaque partie compliquée, une partie simple. Pour chaque morceau long, un autre court. Comme ça, je trouve que l'album atteint un certain équilibre.


Et qu'en est-il des paroles ? De quoi parlez-vous dans ces chansons ?
Chaque morceau a un sujet différent. "No me no you" parle de l'aliénation des gens, "snowman" de la peur de la mort, "the other me" est un titre à propos du clonage, "black light machine" traite des dangers de la télé, "milliontown" parle d'un mort à qui on a donné 7 jours pour tuer d'autres gens comme épreuve d'entretien d'embauche…


S'il doit y avoir un autre album, quelle en sera la direction, car je sens que vous n'aimez pas vous répéter… Avez-vous déjà des idées ?
Bonne prédiction ! Nous comptons bien faire un autre album ! Non, je n'aime vraiment pas me répéter, je crois que le prochain album contiendra plus d'instruments à cordes de toutes sortes. Il y aussi beaucoup de nouvelles textures sonores.


C'est quoi, cette apparente obsession pour les cabines téléphoniques (cf. l'illustration du livret et il en a une vraie dans son jardin !)
Je n'ai pas vu Londres sur un livret d'album depuis un bon moment, et je voulais que l'album ait une tonalité anglaise. Qu'est ce qui pourrait bien faire plus anglais qu'une de nos cabines téléphoniques rouges ?!


L'astérisque accolé à droite du mot "Frost", c'est pour figurer un flocon de neige, au fait ? Pourquoi avoir choisi ce nom ?
C'est exactement ça. Quant à mon choix, j'aimais ce mot. Joli, moderne. Rien à voir avec les magiciens, les dragons, ou d'autres sottises typiques du progressif qui n'améliorent pas les relations du genre avec le monde réel. (NDR : Oui, enfin, ça, ça n'engage que lui… Genesis ne faisait pas trop dans le réaliste !)


Qui est ce John Boyle crédité aux guitares supplémentaires…
Oh, lui… il est un peu comme le Squonk (Genesis – A trick of the tail - NDR), si je vous dis qui il est réellement, il risque de disparaître ! (???!)

Vous allez jouer bientôt des concerts à quatre, comment allez-vous faire pour reproduire vos arrangements qui sont assez riches ? Vous n'avez que 5-6 dates de prévues en ce moment. Il y a des chances que d'autres viennent s'ajouter ? La France peut-être ?
C'est exactement la question que je suis en train de me poser en ce moment même !!! (rires)
Nous voulons absolument venir jouer en France, bientôt avec un peu de chance. Nous allons ouvrir pour les Flower Kings à Londres en décembre, et nous jouons au ROSFest aux USA en avril 2007. Alors n'hésitez pas à consulter www.frost-music.com pour avoir des nouvelles fraîches…

Voir la chronique de Milliontown

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