MASAL
Interview de Jean-Paul Prat

Propos recueillis par Patrick Robinet en marge de la chronique de Galgal

J'ai toujours fait une musique qui n'entrait pas dans les cases. J'ai pu comprendre que l'on ait créé une rubrique appelée "musique progressive" pour y ranger tout ce qui, justement, n'entrait pas dans les tiroirs précédemment répertoriés, mais pour moi ce terme ne signifie pas grand-chose. Ceux qui font la critique de ma musique essaient presque toujours de la comparer avec quelque chose d'autre. J'y trouve des mots comme "canterbury" (je ne sais pas ce que c'est  !), "zeuhl", "rock symphonique" et à chaque fois je me demande si l'écoute a été suffisamment "gratuite", sans vouloir forcément comparer. Mes goûts musicaux se sont sans cesse élargis au fil du temps, ce qui m'a permis d'écouter des musiques très diverses, très différentes les unes des autres. Si toutes ces musiques m'ont sans doute imprégné, elles ne sont en aucun cas la source de celle que je compose. Ma musique m'a toujours traversé ; elle m'a aidé et m'aide encore à prendre conscience de qui je suis, quelle est ma propre couleur. Je n'ai jamais cherché à "faire comme".

Il s'est passé de grands bouleversements dans ma vie. J'en ai trouvé le sens. En 1987 nous avons arrêté Masal car nous n'étions plus que trois musiciens. Ce n'était pas suffisant pour continuer. Tout ce temps passé m'a permis de "descendre" plus profondément en moi. J'ai beaucoup avancé, spirituellement et humainement. J'ai mis au point une sorte de pédagogie pour aider les personnes à s'habiter et à s'ouvrir, qui découle de la structure même de ma musique. Autant dire que si, pendant de longues années je n'ai pas pratiqué la musique de Masal, si j'ai même presque cessé de composer, ce n'est pas pour cela que la source était tarie. Bien au contraire l'entrée s'est élargie et l'eau s'est éclaircie. Je recommence aujourd'hui parce que mon fils est investi dans le groupe et que je ne porte pas seul ce projet. En outre, je ne saurais pas dire pourquoi, je crois que le moment est propice.

Aquero est un groupe que nous avons formé à quelques-uns il y a dix ans. Ce n'est pas de la musique au sens ou je l'entends, c'est plutôt de la chanson. Aquero est un outil pour donner de la joie, de la gaieté, de la simplicité aux gens en proclamant sans détour la foi qui nous anime et en jouant tous les styles qui nous font plaisir. Cela me permet aussi de chanter et de jouer de la basse (j'aime bien ça  !). Il m'est difficile de savoir si je transmets ma foi en jouant de la musique. Ce que j'espère, c'est que le feu qui m'habite soit contagieux et que la vie présente dans ce que je compose, que ce soit de la "grande" musique ou de la chanson toute simple, ouvre des horizons à ceux qui n'en ont guère.

Je n'ai pas d'"état d'esprit spirituel", j'essaie d'être de plus en plus moi-même dans tout ce que je fais.

Avec Masal je fais véritablement oeuvre artistique, au plein sens du terme. L'art est fenêtre sur quelque chose de plus grand qui aide l'homme à ne pas se satisfaire de ce qui est étroit. Il y a des degrés, la chanson n'est pas la musique, la BD n'est ni la littérature ni la peinture, l'artisanat n'est pas l'art, mais pourtant, à travers tout cela la vie passe (quand le talent est là  !) et fait du bien aux hommes, parfois en les consolant, parfois en les dérangeant, toujours en les réveillant.

Le groupe est en train de se souder, nous sommes à présent cinq musiciens (batterie, basse, piano, guitare, saxophone) décidés à donner le plus de concerts possibles. Quant à la vague créatrice, elle est telle qu'il pourrait y avoir, si les moyens le permettaient, un album de Masal chaque année pendant les 30 ans à venir  !